Neutralité carbone en 2050 : utopie ou objectif atteignable ?

Pour limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C dans les prochaines années, nous devrons avoir atteint l’objectif de neutralité carbone d’ici 2050. Pour l’atteindre, la France devra réduire ses émissions de gaz à effet de serre de moitié d’ici 2030, par rapport à celles mesurées en 1990.

Or aujourd’hui, nous en sommes encore loin. Et 2050, c’est demain.

Pourrons-nous alors réussir notre neutralité carbone d’ici-là, ou est-ce finalement une utopie ?

Dans cet épisode de notre podcast « L’Energie à l’Oreille », nous avons souhaité faire le point sur cette problématique en invitant Stéphane La Branche, sociologue du climat ou « climatologue de la société » (comme il aime à le rappeler !), coordonnateur scientifique du GIECO, chercheur indépendant et enseignant à Sciences Po Grenoble.

Neutralité carbone : de quoi parle-t-on ?

D’abord, une précision : parler de neutralité carbone d’ici 2050 ne veut pas dire qu’il n’y aura plus aucune émission de gaz à effet de serre d’ici une trentaine d’années. En fait, tout est une question d’équilibre entre ces émissions produites par l’activité humaine d’un côté, et la capacité des puits carbone (océans, forêts, sols) à les absorber, de l’autre : « En clair, il ne sera plus possible d’émettre plus que ce que notre environnement pourra absorber. D’où cette notion d’équilibre qu’il faudra atteindre progressivement », explique Stéphane La Branche.

Seulement voilà : ce n’est pas si simple. « Surtout dans la tête des gens », précise-t-il. « Car 2050 c’est encore loin, et dans les représentations sociales on a, encore, des difficultés à engager des efforts de changements à long terme : est-ce que cela vaut vraiment la peine de faire des efforts maintenant ? »

C’est pour cela que des étapes intermédiaires ont été décidées pour faciliter l’engagement souhaité, notamment en France. La prochaine étape étant de réduire de moitié les émissions nationales de gaz à effet de serre d’ici 2030, dans 7 ans…

Accélérer les leviers et en créer d’autres pour diminuer les émissions de CO2

C’est ce que préconise Stéphane La Branche, et ce dans plusieurs domaines comme :

la mobilité durable : accélérer les solutions alternatives, certes bien engagées aujourd’hui, comme les nouvelles possibilités de motorisation, la sensibilisation à la mobilité douce, le co-voiturage,…
la rénovation énergétique des bâtiments : être beaucoup plus créatif et imaginatif en la matière, notamment dans l’accompagnement des copropriétés, et imaginer d’autres manières de convaincre en rendant plus compréhensibles les aides financières portant sur la rénovation énergétique et acoustique
les forêts : améliorer leur gestion en diversifiant les plantations et en prenant en compte les futurs impacts du changement climatique (notamment sur l’apport en eau)
l’agriculture : revoir l’usage des sols (agriculture diversifiée sur une même parcelle, retour des bocages,…) et accompagner les producteurs dans leurs conversions vers d’autres produits comme les légumineuses, plus résistantes aux impacts du changement climatique et destinées à une alimentation moins carnée
l’alimentation : la faire évoluer en parallèle des nouvelles façon de produire : réduire la consommation de viande, apprendre à cuisiner végétarien

Enregistrement du podcast de GEG, l’Energie à l’Oreille, avec Stéphane La Branche
8 juin 2023

Pour Stéphane La Branche, « il faut avoir une vision intégrée de l’ensemble et, aussi, se poser la question de savoir comment les gens vont vivre au quotidien cette transition. Tous ne le feront pas avec plaisir mais certains y verront un défi à relever qui donne du sens ! »

Pour y répondre, il avance trois tendances qui se dessinent depuis quelques années, et qu’il faudra renforcer pour atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 :

une acceptabilité grandissante de se déplacer via d’autres modes de motorisation (électrique, hybride ou hydrogène par exemple)
une alimentation durable mieux comprise par la société : sans pour autant devenir végétariens, les flexitariens sont actuellement de plus en plus nombreux
une meilleure compréhension de la performance énergétique de son logement

Il souligne aussi l’importance des tendances de demain avec, entre autres :

l’émergence de nouveaux métiers dans l’agriculture et le BTP
une nouvelle façon de prendre ses vacances, aux vues des projections de températures caniculaires : préférer une autre saison que l’été, changer de destination (des vacances à la mer mais aussi de plus en plus à la montagne)

En résumé, nos conditions de vie vont forcément évoluer face aux conséquences du réchauffement climatique.

Alors, pourrons-nous atteindre la neutralité carbone en 2050 ?

D’après Stéphane La Branche, une des conditions essentielles pour y arriver réside dans notre volonté de changer véritablement de mode de vie car « il faut bien comprendre que la neutralité carbone est un objectif tellement ambitieux que si les citoyens et les entreprises ne font pas d’efforts, quoique fasse l’état, on n’y arrivera pas car la marge de manœuvre est étroite. »

Le but étant que cette prise de conscience soit suivie, dès aujourd’hui, d’un réel changement de notre comportement dans nos choix de vie car selon lui : « les sciences du comportement montrent bien qu’avoir conscience de quelque chose ne veut pas forcément dire que l’on change quoi que ce soit ensuite. C’est pourquoi l’accompagnement opérationnel et pratique est très important. »

D’où l’importance de l’action des pouvoirs publics pour nous aider, nous accompagner, nous inciter (voire nous contraindre), afin que cette prise de conscience soit suivie des faits, pour atteindre la neutralité carbone en 2050.

Vous souhaitez en savoir plus ? Ecoutez notre podcast « L’Energie à l’Oreille », et retrouvez l’intégralité de l’interview de Stéphane La Branche et sa vision de sociologue du climat sur cette question !

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Bonne écoute !

Et si vous souhaitez en savoir +, voici quelques sources à consulter :