Nous avons tous notre propre expérience et notre rapport à la maitrise de l’énergie. Notre mode de vie, nos attentes et nos besoins sont, certes, différents en fonction de nos comportements et de notre façon de consommer l’énergie. Pour autant, il est possible de « dégager » 7 types de profil énergétique.
C’est ce que nous propose Stéphane La Branche (sociologue indépendant du climat et de l’énergie, coordonnateur du GIECo – Groupe d’experts sur les changements de comportements) en dressant, dans son article ci-dessous, 7 portraits de profil énergétique spécifiques : le technoludique, l’énergiphile, l’économe, l’écophile, l’impuissant, l’indifférent et le récalcitrant.
Lisez-vite la suite pour connaître le vôtre et posez vous la question : pourquoi mettez-vous (ou pas) un couvercle sur la casserole : pour réduire le coût ? Protéger la planète ? Réduire vos kWh ou simplement manger à temps ? Ou vous ne le mettez finalement pas parce sinon, ça déborde !
1er profil énergétique – La technoludique : la techno pour et par la techno !
Camille ne regarde pas les kWh sur sa facture, mais elle aime comparer sa consommation sur les trois dernières années. En fait, elle ne s’intéresse qu’un peu à l’énergie. Ce qui l’attire, ce sont les nouvelles technologies : elle aime jouer avec elles (son enfant lui dit qu’elle réagit comme une gamine face à un cadeau de noël…) et les tester. Son logement est équipé de détecteurs de présence pour les lumières ; ses radiateurs électriques et ses appareils électroménagers sont connectés et programmables, comme son chauffe-eau ultraperformant. Comme elle le dit : « C’est fun mais changer les comportements, c’est trop stressant ! »
Elle n’est pas ignorante des enjeux de transition et en 2023. Au moment des campagnes sur le délestage, elle a reprogrammé tous ses appareils pour qu’ils fonctionnent en heures creuses. Mais pas le sèche-linge, ça fait trop de bruit la nuit. C’est sa manière de contribuer : programmer au plus fin ses équipements pour qu’ils consomment le moins possible mais selon ses rythmes de vie. Au final, sa consommation a un peu diminué, et surtout, elle a changé de créneaux horaires, mais elle ne saurait pas dire combien elle a économisé…
L’énergiphile : quand les kWh ont une vie
David travaille pour un fournisseur d’énergie : les kWh (production et consommation !) n’ont plus de secrets pour lui et la stabilité des réseaux le concerne : il faut équilibrer la production et la consommation en développant les énergies renouvelables ! Il s’est d’ailleurs abonné à une offre d’énergie verte. Les kWh, c’est la première chose qu’il regarde sur sa facture.
Il est toujours étonné lorsque des gens ne comprennent pas l’utilité ni le terme de « délestage ». Pourtant, au niveau national, cela permet de garantir l’accès à l’énergie à tous. A moyen et à long terme, c’est la meilleure façon, pour lui, de combattre les inégalités énergétiques et de réduire les risques de pannes.
Il n’a pas beaucoup d’appareils électroménagers mais ils sont récents et tous de « classe A ». S’il a renouvelé son sèche-linge, il ne l’utilise qu’en hiver. Son chauffe-eau connecté est programmé en fonction des heures creuses et il se chauffe à 20°. Récemment, les sécheresses et les canicules l’ont amené à faire plus attention à l’eau : fini les bains, il se limite aux douches.
L’économe : réduire le coût avant tout !
Laurence a reçu sa facture hier et tout de suite, elle a regardé le montant, la seule partie qui l’intéresse. Elle ne comprend pas les kWh, donc elle ne les regarde pas. Combien de kW faut-il pour faire bouillir de l’eau ? De « classe moyenne basse », elle fait attention à ses dépenses mais elle ne voit pas en quoi changer ses comportements permettra réellement de réduire sa facture. Sauf peut-être se débarrasser de son sèche-linge (ça consomme cette machine !) mais elle n’a pas beaucoup de place pour l’étendoir. Ce serait bon pour la planète en plus… Si elle le pouvait, elle ferait des travaux de rénovation mais vu qu’elle est en copropriété, c’est trop compliqué.
Elle tente de maintenir la température de son logement à 20°en hiver et n’utilise sa clim que pendant les fortes chaleurs, sinon ça devient invivable, on n’en dort plus la nuit.
L’écophile : agir pour sauver la planète, d’abord et avant tout
Sébastien regarde ses émissions carbones en premier sur sa facture. Quand il est passé à une offre d’énergie verte il y a deux ans, elles ont diminué. Il a changé sa façon de cuisiner – plus de four ! – et ne prend plus que des douches. Même s’il gagne plutôt bien sa vie, trop s’équiper en appareils électroménagers, même performants, est pour lui une aberration. Pourquoi prendre un sèche-linge quand on peut étendre ?! Mais il a vu l’utilité d’un chauffe-eau performant connecté. Il s’en est d’ailleurs acheté un il y a deux ans.
Chaque diminution est pour lui à la fois une preuve que ses efforts réguliers de changements de comportement vont dans la bonne direction et qu’il participe à la solution plutôt qu’à la crise. En fait, changer ses comportements n’est pas un effort pour lui. C’est un jeu de cache-cache avec lui-même, les membres de sa famille, leurs habitudes, leurs préférences et leurs besoins. Il joue avec ses propres pratiques comme un technophile joue avec les nouvelles technologies : les expérimente, les évalue, les garde ou non, les modifie. Les relevés de facture et le suivi de sa consommation lui donnent des indicateurs pour comprendre si ses pratiques sont efficaces, ou non.
L’impuissant : voudrait faire mieux et plus mais ne sait pas comment
Pour Alain, l’énergie est une préoccupation à la fois pour des raisons financières et environnementales. Il pense comprendre correctement sa facture, mais elle ne l’aide pas à réduire sa consommation ! Il voudrait faire mieux mais il ne sait pas comment. Il regarde des sites qui offrent des astuces mais il y en a tellement qu’il ne sait pas qu’elles sont celles qui seraient les plus adaptées à son mode de vie. Qu’est-ce qui est vraiment important à changer ? La rénovation semble le moyen le plus efficace pour réduire sa consommation d’énergie mais qui a les moyens financiers pour engager les travaux ? Devenir végétarien ou se chauffer à 19°, ce n’est pas pour lui : mais il fait quand même attention, en se chauffant à 21°, sinon il fait trop froid.
Il veut aller voir son fournisseur d’énergie. Il a vu un numéro pour faire un diagnostic énergétique mais il ne sait pas combien ça coûte, ni si cela en vaudra la peine. Et il y a tellement d’offres, qu’il se méfie.
L’indifférente : l’énergie, oui et… ?
La seule fois où Martine pense à l’énergie c’est quand elle reçoit sa facture. Elle regarde les euros, et si rien ne la surprend, elle l’oublie immédiatement. Quand elle entend des débats dans les médias, elle change de chaîne ou fait autre chose. Ce n’est pas qu’elle est contre, cela ne l’intéresse pas, tout simplement. Tant qu’on lui procure les services dont elle a besoin, ce n’est pas son problème. Même si… Il est vrai que le prix augmente à cause de la crise. Il est hors de question de changer ses habitudes, c’est trop d’efforts pour rien. Lorsqu’elle achète un appareil électroménager, le niveau de performance énergétique (qu’elle comprend, c’est facile avec le visuel) n’est même pas son troisième critère. Elle règle son chauffage à 22° et en été, elle met aussi la clim à 22°.
Dernier profil énergétique – Le récalcitrant : la sobriété, c’est du grand n’importe quoi !
Aline est une récalcitrante de la transition. Elle n’est pas climatosceptique, elle comprend même plutôt bien les enjeux. Mais il est hors de question qu’elle fasse des efforts comportementaux ou financiers. Ce sont le gouvernement et les entreprises qui doivent bouger, pas les ménages ! Et tant que les autres pays ne feront pas d’efforts, elle ne voit pas pourquoi elle en ferait, elle. Prétendre qu’un individu peut sauver la planète, c’est du grand n’importe quoi !
Elle serait prête à réduire sa consommation énergétique mais seulement sous conditions d’un confort thermique et d’effort cognitif égal. Il lui faut donc des interfaces et des outils de gestion faciles à maitriser, et qui permettent une réduction de la consommation sans coûts cognitifs, d’énergie personnelle, et sans perte de temps.
Technoludique, énergiphile, économe, écophile, impuissant, indifférent ou récalcitrant… Grâce à Stéphane, vous en savez désormais un peu plus sur votre profil énergétique ! Un grand merci d’ailleurs à lui pour la rédaction de cet article 😉